Les Lipovènes ou vieux-croyants (comme ils se nomment eux-mêmes), sont une communauté orthodoxe vieille-croyante d'origine russe établie au XVIIIe siècle principalement en Ukraine (56.000 personnes) et en Roumanie (29.700 personnes). En Ukraine, les Lipovènes sont regroupés en Bessarabie méridionale (Boudjak), notamment autour de Vylkove (Vilkovo). En Roumanie, les Lipovènes habitent surtout les régions de la Moldavie septentrionale, de la (Bucovine) et de la Dobrogée (Dobroudja, dans le delta du Danube).
"Lipovènes" ("chaussés d'écorce de tilleul" en russe) est le surnom des anciens "Raskolniki", orthodoxes vieux-croyants appelés parfois "les Cathares russes", partis de Russie à la fin du XVIIe siècle, lorsque cette dernière s'est "pervertie" (à leurs yeux) en adoptant une série de réformes religieuses. Persécutés par le gouvernement du tsar Pierre le Grand, ils ont été pourchassés par les Cosaques et ont trouvé refuge dans la principauté roumaine de Moldavie et dans l'Empire ottoman alors maître des abords de la Mer Noire. Là, ils ont rencontré des Grecs et des Roumains dont ils ont appris la pêche qui fut jusqu'à récemment leur principale activité. Ils n'ont plus de patrie mère, et pour cette raison ne se définissent pas comme Russes, même si 90 % des Lipovènes sont russophones (un russe du XVIIIe siècle, pas très compréhensible pour un russophone contemporain).
Non reconnus par les églises orthodoxes canoniques, qui sont en union avec les pouvoirs politiques roumains ou russes, ils ont leur propre liturgie et hiérarchie, ce qui leur a donné une tradition de résistance aux pouvoirs politiques (y compris communistes) et de laïcité (séparation de la foi et de l'état). L'identité lipovène repose sur la foi dans la sphère privée, le travail et la fête dans la sphère publique (où l'accordéon et la vodka jouent un rôle majeur). Lorsqu'une église se dégrade, les Lipovènes ne la rénovent pas et ne la démolissent pas, mais en construisent une autre plus loin.
Au XIXe siècle, l'Empire russe "rattrape" les Lipovènes en annexant la moitié orientale de la Moldavie (Bessarabie, 1812) et le Delta du Danube (1829-1856). Le tsar offre alors des avantages aux Lipovènes à condition de regagner le giron de l'orthodoxie canonique, et environ un tiers d'entre eux accepte (ce sont les "Faux-Lipovènes"). Une crise secoue alors la communauté, dont se détache la secte des Skoptzy ou Scoptes, qui faisaient vœu de chasteté et se castraient rituellement après le second enfant. Compte tenu de la mortalité infantile importante de l'époque, et de l'intrusion de la modernité au XXe siècle, cette secte a entre-temps disparu (les rares survivants rentrant dans la communauté au cours des années 1930).
Durant la Seconde Guerre mondiale les Lipovènes furent très nombreux à résister aux Allemands (ils ont coulé des patrouilleurs sur le Danube, abrité des Juifs en fuite, collaboré avec la Résistance roumaine et les Partisans soviétiques), mais ils reprirent cette résistance après la guerre contre les régimes communistes soviétique et roumain, et plus de la moitié d'entre eux fut déportée (ceux d'Ukraine en Sibérie orientale, ceux de Roumanie dans la plaine du Baragan).
Après la révolution de 1989, les Lipovènes furent nombreux à émigrer comme marins des flottes de pêche industrielle, et il y a aujourd'hui une importante diaspora lipovène au Canada (Vancouver) et aux États-Unis (Seattle).
Le centre religieux des Lipovènes est la ville de Brãila en Roumanie. Pour aider à garder l'identité culturelle des Lipovènes, depuis 1990 parait le journal bilingue "Zorile" (qui veut dire L'Aube en roumain).